Un message de Louis Aragon, la figure la plus marquante de la littérature engagée du XXe siècle

La situation et le destin de notre patrie ont dépassé l’imagination et la tolérance ; toutes les prévisions se sont entremêlées et l’atmosphère d’anxiété, de terreur et d’espoir a conduit à un moment décisif et déterminant, mêlant crainte et espérance. La plume et la parole sont plongées dans la stupeur et la perplexité, l’âme en quête d’un miracle, sans main dans le feu ni force pour crier ou fuir, mais le cœur en feu et l’esprit à la croisée des chemins, bondissant et s’élançant dans l’espoir qu’un pas ou un souffle l’apaise, pourtant se retirant dans un coin, se demandant jusqu’à quand la patrie restera-t-elle captive des tyrans ? Hélas, dans l’espoir d’une liberté imminente de l’Iran.

Il n’est pas inutile de lire ensemble le message d’Aragon : Louis Aragon (1897-1982), médecin, fut l’une des figures les plus célèbres de la littérature engagée du XXe siècle en France, jouant un rôle exceptionnel et essentiel dans la fusion de l’art, de la politique et de l’engagement social, notamment dans des circonstances semblables à celles que vivent aujourd’hui les Iraniens. Par la poésie et le roman, il brisa la frontière entre esthétique et responsabilité historique et fit de la littérature un instrument au service de la liberté, de la justice, de la revendication et de la lutte.
Cet écrit examine le rôle d’Aragon durant la Seconde Guerre mondiale et son lien avec les mouvements politiques ainsi que les défis philosophiques et moraux issus de cet engagement. La question de l’engagement de l’artiste face aux événements historiques et sociaux a toujours été un sujet controversé dans la pensée moderne. Louis Aragon, poète et romancier, surtout pendant et après la Seconde Guerre mondiale, fut un exemple éminent de l’écrivain responsable qui mêla art et engagement social et politique.

Pendant l’occupation de la France, Aragon transforma la poésie en une arme de combat. Des recueils comme Les Yeux d’Elsa (1942) et Le Crève-Cœur (1944) regorgeaient de thèmes de résistance, d’amour, de liberté et d’espoir. Ses poèmes traversaient les murs des prisons, les cœurs des combattants et les tranchées secrètes, devenant un chant de persévérance. Il sut créer un pont entre le langage poétique et celui de la lutte, faisant de la poésie une force vive et efficace au sein de la société.

Dès les années 1930, il rejoignit le Parti communiste français et lui resta fidèle jusqu’à sa mort. Avec l’occupation de son pays par l’Allemagne nazie, il lia sa mission poétique à une mission de combat et de résistance. Il mit la littérature au service des idéaux socialistes, antifascistes et anticoloniaux. Dans la revue Les Lettres françaises, qu’il dirigeait, on défendait la littérature progressiste, la lutte contre le colonialisme (notamment en Algérie et au Vietnam) et les droits des classes défavorisées. Mais après la Seconde Guerre mondiale, surtout avec la révélation des crimes staliniens et des répressions en Europe de l’Est, il s’y confronta.

Aragon et son épouse Elsa Triolet furent des membres actifs des réseaux clandestins de la Résistance. En composant et en publiant secrètement des poèmes dans les journaux clandestins de la Résistance, il apporta espoir et inspiration au peuple et aux combattants. Ses poèmes de cette époque étaient pleins de thèmes de liberté, de patriotisme, de haine des occupants et d’admiration pour l’héroïsme des gens ordinaires.

Ses poèmes n’étaient pas seulement des textes littéraires, mais de véritables manifestes de la Résistance, dans lesquels les combattants et les exilés français entendaient l’appel à l’unité et à la persévérance.

Aragon croyait que l’art ne pouvait rester indifférent à la souffrance des hommes et écrivait : « Le poète doit être le témoin des opprimés et la voix de ceux qu’on a réduits au silence. » Il ne sacrifia jamais la liberté et l’indépendance artistiques aux clichés du jeu politique. Il tenta d’établir un équilibre subtil et durable entre engagement social et liberté artistique. Il demeure un exemple éclatant de l’écrivain qui sut unir l’art à la quête de vérité et à la responsabilité historique. Ses œuvres et ses pensées, nées des événements tumultueux du XXe siècle, posent encore aujourd’hui une question essentielle aux artistes et intellectuels : comment établir un équilibre entre beauté et engagement, entre individualisme et collectivisme, entre art et politique?