Message de Mirzadeh Eshghi à la génération d’aujourd’hui

Message de Mirzadeh Eshghi à la génération d’aujourd’hui

Avec quel visage osez-vous parler de notre joie – vos mains sont pleines de sang, et vous parlez de la justice divine.

Que de fautes n’avez-vous pas commises sous le voile de la religion – honte à ce Dieu dont vous proclamez le nom.

Au début du XXe siècle, l’Iran se trouvait à un tournant majeur. La Révolution constitutionnelle, premier pas important vers la transition d’une monarchie absolue à un État de droit, avait fait naître un nouvel espoir chez un peuple qui avait vécu pendant des siècles sous le joug du despotisme. Cette révolution ne visait pas uniquement à changer le système politique, mais cherchait aussi à restaurer la dignité humaine, la participation populaire et la justice sociale. Toutefois, ce rêve fut de courte durée : il sombra dans les complots et les ingérences étrangères, et l’absolutisme reprit lentement le dessus.

C’est dans cette époque agitée que des figures comme Mirzadeh Eshghi émergèrent, véritables échos de la liberté et de la conscience éveillée de la nation, qui élevèrent leur voix dans la protestation. Mirzadeh Eshghi, poète, journaliste et dramaturge audacieux, fit entendre dans les dernières années de la dynastie Qajar et le début de l’ère Pahlavi, les douleurs et les espoirs d’un peuple épuisé à travers les mots qu’il couchait sur les pages de son journal. Il transforma sa revue, Le XXe siècle, en tribune contre la corruption et la trahison, s’inspirant des idéaux de la Révolution française – liberté, égalité, fraternité – qu’il proclama dans une société étouffée.

Cependant, sa compréhension de ces concepts ne se limitait pas à une imitation superficielle de l’Occident ; c’était un effort sincère pour réconcilier la rationalité moderne avec la spiritualité orientale, et relire les valeurs morales dans un cadre nouveau.

À une époque où nombre d’intellectuels avaient cédé au silence face à la répression et au chaos, Eshghi brilla comme une flamme dans les ténèbres. Il considérait la liberté non comme licence, mais comme une responsabilité sacrée ; l’égalité, à la lumière de la dignité divine de l’homme ; et la fraternité, nourrie par l’amour sacré. Son idéal était de reconstruire une patrie nourrie autant par la lumière de la raison et du savoir que par l’éthique et la spiritualité.

Mais l’époque était en conflit avec l’esprit libre d’Eshghi. Malgré les premiers acquis de la Révolution constitutionnelle, celle-ci fut vite trahie par un nouveau despotisme. Le parlement, censé incarner la volonté populaire, fut à plusieurs reprises dissous ou neutralisé sous la domination des Qajars. L’influence croissante des puissances étrangères, notamment la rivalité des impérialismes russe et britannique, transforma l’indépendance nationale en un jouet entre les mains d’intérêts étrangers.

Dans ce vide du pouvoir, le coup d’État de 1921 et l’ascension de Reza Khan changèrent la trajectoire du pays. Reza Khan, qui avait pris le pouvoir au nom de l’ordre et de la modernisation, accapara peu à peu toutes les institutions. Le parlement, la presse, les partis et même les institutions religieuses furent soit soumis, soit supprimés. Bien que des réformes civiles et des projets d’infrastructure aient été menés, ces changements se firent au prix d’une concentration du pouvoir et de la suppression des opposants. Les voix dissidentes furent étouffées, et Mirzadeh Eshghi, qui avait maintes fois mis en garde contre le danger d’une dictature militaire, fut l’un des premiers à en payer le prix.

Son assassinat à domicile en juillet 1924 ne fut pas seulement la fin de la vie d’un jeune poète, mais aussi le symbole de la fin d’une ère d’idéalisme : une époque où il était encore possible de parler de liberté et d’écrire sur la justice. La mort d’Eshghi fut le témoignage que, dans l’Iran en voie de modernisation sous Reza Shah, il n’y avait plus de place pour les consciences éveillées et les langues critiques.

Les acquis de la Révolution constitutionnelle furent peu à peu démantelés. Le parlement, censé être le rempart du peuple contre le pouvoir absolu, devint un organe décoratif et impuissant. Les partis politiques et la presse libre furent réduits au silence par la censure ou transformés en outils de propagande. En apparence, de nouvelles lois et institutions modernes furent créées ; mais cette modernisation, née d’un projet autoritaire et centralisé, n’était pas le fruit de la volonté populaire.

Dans cette atmosphère violente, les opposants – communistes, religieux ou autres – furent réprimés, emprisonnés ou exécutés. Les mouvements ethniques et régionaux furent écrasés par l’armée, et la police politique rendit impossible toute expression indépendante.

Derrière cette façade de développement, la conscience nationale était meurtrie. L’esprit de liberté, réveillé par la Révolution constitutionnelle, fut de nouveau enseveli. Eshghi, bien qu’abattu à l’âge de trente ans, laissa derrière lui une voix puissante dans l’histoire de l’Iran : un cri pour l’humanité, la justice, et une patrie encore en quête de sa vérité.

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