La tutelle du juriste islamique (Velayat-e Faqih)
Un motif de légitimation des massacres ?
Résumé
Cet article examine la théorie du Velayat-e Faqih (tutelle du juriste islamique) et son lien avec la violence juridique dans le chiisme politique. Inscrivant l’analyse dans un cadre historique et critique, il pose la question centrale suivante : comment une doctrine se proclamant de la tradition juridique chiite s’est‑elle transformée, dans le cadre du régime de la République islamique, en un appareil producteur de violence de masse et d’élimination des opposants ?
Les résultats de cette recherche révèlent que le Velayat-e Faqih n’est pas un enseignement originel et intemporel de la religion, mais un produit des transformations politiques et historiques contemporaines en Iran. Cette théorie, en conférant des pouvoirs illimités au faqīh (juriste islamique), a institutionnalisé une forme de violence justifiée juridiquement, légitimée par des prescriptions pénales issues du fiqh (droit pénal islamique) – hudûd, qisâs, apostasie, accusations de kāfir, de mulhid, de muhārib (guerre contre Dieu) et de mufsid fī al-arḍ (corruption sur terre) – conduisant ce faisant à une répression massive des opposants et à des massacres idéologiques ciblés.
Les études de terrain menées après la révolution de 1979 révèlent que les exécutions collectives des années 1980, les massacres généralisés de 1988, et l’extermination de milliers de prisonniers politiques ont tous été effectués sur la base d’une fatwa de Rouhollah Khomeiny dans le cadre de sa théorie du Velayat-e Faqih. Cet article analyse le mécanisme répressif à l’œuvre et met en lumière l’instrumentalisation du chiisme par le pouvoir, conduisant l’Iran à une pauvreté généralisée et à des crises sociales sans précédent.
L’article conclut qu’un conflit fondamental existe entre les principes coraniques tels que la justice et la dignité humaine d’un côté, et l’opportunisme politico-juridique du Velayat-e Faqih de l’autre côté : un conflit qui semble être à l’origine d’une crise sociale majeure réprimée par les violations quotidiennes des droits humains en Iran. D’où l’impératif d’une réévaluation des fondements jurisprudentiels et d’une transition vers une lecture du religieux centrée sur le droit et l’humain, afin de rompre le cycle de la violence et de parvenir à une société fondée sur la liberté et la dignité humaine.
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